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25/07/2019

lettre à soi-même

Paris, 4 avril 1904.
 
 
Sur mes six ans, mon cher ami, je demeurais dans une petite villa de Bilhère, et de là, chaque matin à la belle saison, je gagnais Pau et l'école des Dominicaines, où me conduisait mon oncle, en se rendant lui-même au Quartier. II ne faisait encore que petit jour ; du brouillard pendait entre nous et les montagnes. Sur les giroflées qui habitent le creux des murs, sur les fleurs sanglantes, au bord des allées de gazon, la rosée avait laissé de belles larmes ; et mon oncle cueillait pour moi, parmi les larges feuilles, une grappe de raisin glacé. Alors, parfois un chant de clairon montait des casernes vers nous. Sensuel déjà, déjà nostalgique, avec des grains froids dans la bouche, et tout autour de moi cette enivrante voix de cuivre qui parlait de choses lointaines, et l'herbe mouillée où je passais les mains, comme je fais aujourd'hui sur une fourrure ; et la pourpre incomparable des pivoines, - étais-je heureux ? Je ne sais. Mais c'était vivre déjà. Quel orgue, une âme d'enfant jusqu'à la première femme qui en joue et la fausse. Mais rappelez-vous le bleu léger des Pyrénées, et le matin qui baisait vos joues pâles.
 
           Adieu
Lettres à soi-même 
 
 
Cette petite villa se nommait Mauritia.

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